Les dix minutes d’éloquence de cette jeune lycéenne vont vous bouleverser. Alma Adilon Lonardoni vient de remporter le concours de plaidoierie organisé par le Mémorial de Caen sur le thème : « Il fait si bon vieillir… » Elle a choisi pour thème le bout du bout de la vie, celui que nous redoutons tous, et elle l'a transcendé, sans théâtralité, avec sobriété et passion, avec un maintien et une sincérité exemplaires, et une sidérante maturité. Sans le moindre papier, d’une voix étonnamment juste, elle rapporte sans pathos ce qui est tout simplement indigne d’une société dite développée.
Voici la bien belle révélation d’une toute jeune fille de seize ans — de cette génération dont on dit qu’elle n’a d’intérêt que pour le high-tech, la communication fast-food, le plaisir et la fascination consumériste — qui manifeste une bouleversante sensibilité pour la dignité de la vie “jusqu’au bout”.
Alma n’a que seize ans. Elle sait écrire, dire, transmettre, vibrer, émouvoir, aimer. Son apparente fragilité cache une force de conviction étonnante. Sa beauté intérieure claque à chaque conviction comme un drapeau sur le champ d’honneur. Elle est belle et enflammée comme savent l’être les passionaria, capables de défendre des causes qui ne les concernent pas directement, et qui semblent prêtes à déplacer des montagnes.
Sa victoire va permettre à Alma de partir à New-York visiter le siège de l’ONU.
Alma, tu es magnifique, on a besoin de petits bouts de femme comme toi pour changer le monde !
Extraits de son éloquente plaidoirie :
« Aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, j’accuse la société de reléguer ses pères, ses mères aux oubliettes. Je pense qu’il est indigne de notre société d’avoir à ce point honte de ses vieux devenus inutiles (…) Je pense qu’il est inacceptables que ces personnes soient considérées comme des enfants voire comme des objets. Car c’est nous qui sommes les enfants, Mesdames et Messieurs, nous qui leur devons tout. Nous avons été protégés par nos parents durant toute notre enfance. Maintenant que nous n’en avons plus besoin, que les rôles pourraient être échangés, pourquoi prendre la peine de leur rendre la pareille ? Comment peut-on penser qu’une personne qui vieillit n’a plus rien à nous apporter ? Un regard autre, qui a connu d’autres valeurs et qui a su acquérir une sagesse particulière, ne nous est-il plus nécessaire ? N’a-t-on pas besoin de se remettre en question auprès d’une simplicité revendiquée par ces personnes ?
(…) Pays des Droits de l’Homme ! Il est beau le pays des Droits de l’Homme ! pas même capable de respecter ses racines. Notre belle patrie, qui se veut au plus haut degré de la civilisation, également dans la manière dont elle fait respecter ses lois (et ses droits, cela va sans dire), on oublie peu à peu que tout ce qui constitue les anciennes coutumes n’est pas bon à jeter. Les coutumes amérindiennes, par exemple, parce qu’elles ont su conserver leur sens du respect traditionnel, me paraissent hautement plus louables que celles de notre société actuelle. Dans la tradition amérindienne, le vieux sage est capable d’enchanter, de favoriser le rêve, de deviser à voix haute, d’initier, de transmettre, de conseiller, de montrer le chemin, de rendre compte de l’histoire… De notre côté ? Aujourd’hui, une personne qui vieillit, perd de son efficacité et de son utilité, elle est “amoindrie” ; c’est là le seul statut qu’on lui reconnaisse. Comment accorder son estime à quelqu’un à qui on refuse seulement l’écoute ? Mais le plus dérangeant sans doute, c’est que la vieillesse soit vue comme une échéance cruelle et insurmontable, comme une épreuve douloureuse et non plus comme une étape naturelle de la vie d’un homme.
(…) Aujourd’hui je demande, Mesdames et Messieurs, au nom de tous ceux qui souffrent depuis trop longtemps, que bien-être et traitement respectueux ne soient plus des services qui se monnaient, mais qu’ils soient accessibles à tous. Je demande à ce que maison de retraite ne soit plus synonyme d’hospice ni de mouroir, mais de lieu d’accueil solidaire et fraternel. Je demande la dignité. »
Nous remercions vivement Raymond Voitoux, qui nous a transmis ce lien.